Les films ci-dessous composent une sélection d’œuvres qui peuvent être particulièrement utiles à un meneur de Tenga. La liste ci-dessous a été initialement élaborée pour le site ikosa, et ne comprend pour l’instant que des films au sens classique du terme (pas de série télé, ni d’anime).
Les grands classiques des vieux maîtres
Les sept samouraïs – Akira KUROSAWA – 1954
L’histoire : Au XVIème siècle, un village de paysans est malmené par un groupe de brigands qui pillent ses récoltes. Ils décident alors de recruter des hommes d’armes pour les protéger mais n’ont presque rien à leur offrir en retour. Heureusement, ils trouvent sur leur route le sage Shimada Kanbei qui accepte leur offre et se charge de convaincre un groupe hétéroclite de guerriers de se joindre à eux. Ainsi, après des premiers contacts un peu difficiles, les samouraïs établissent un plan, fortifient le village et entraînent ses habitants avant de se livrer à une bataille finale épique qui prélèvera de lourds tributs.
Le film : Difficile de dire quelque chose sur Les sept samouraïs qui n’ait pas été déjà dit mieux et maintes fois ailleurs. Il s’agit ni plus ni moins que d’un chef d’œuvre, du film de sabre par excellence et de LA référence, à l’aune de laquelle, tous les autres films de ce type sont comparés depuis plus de cinquante ans. Comme Rashômon du même réalisateur, bien au-delà du jdr, c’est une œuvre séminale que tout le monde doit avoir vue ne serait ce que pour sa culture générale. Des sept mercenaires à l’Agence tout risques, les œuvres qui s’en inspirent (directement ou pas) sont innombrables.
L’intendant Sansho – Kenji MIZOGUCHI – 1954
L’histoire : au XIème siècle, un gouverneur provincial est condamné à l’exil pour avoir pris fait et cause pour les paysans. Six ans plus tard, sa femme et ses deux enfants prennent la route pour le rejoindre, mais sont capturés par des marchands d’esclaves. La mère est vendue comme prostituée alors que ses enfants rejoignent la demeure de l’impitoyable intendant Sansho. Dix ans plus tard, Zanshiu, son fils, est devenu un contremaître des plus cruels, s’attirant les faveurs de l’intendant, alors qu’Anju, sa fille, continue à souffrir de conditions inhumaines et de voir ce qu’est devenu son frère. Elle va alors se sacrifier afin de lui permettre de s’enfuir et de prendre conscience de ses actes.
Le film : A mille lieues des chambaras ou des clichés d’un genre qui n’existait pas encore, ce film d’époque est sans doute mon film japonais préféré. Il s’agit d’un très grand mélodrame (dans le bon sens du terme) et un très beau drame historique. Ou l’inverse. Les personnages vivent des destins hors du commun et on est au plus près d’eux et de ce qu’ils ressentent, en faisant donc autant de pj ou de pnj crédibles et intéressants pour remplir nos tables de jeu.
Autre élément intéressant, on y voit clairement comment fonctionnent plusieurs strates de la société au sein de ces sortes de zones de « non-droits » (en fait des lieux où plusieurs types de droits contradictoires se superposent, ne permettant d’appliquer que celui du plus fort) qui deviendront si courantes et si importantes à l’époque de Tenga.
Les films contestataires et le crépuscule du samouraï
Harakiri – Masaki KOBAYASHI – 1962
L’histoire : Au début du XVIIième siècle, une fois les troubles de la guerre civile terminés, les temps deviennent très durs pour les ronins (samouraïs sans maître) qui se retrouvent du jour au lendemain condamnés à la misère. L’un d’entre eux, Tsugumo Hanshiro, se présente aux portes d’une des demeures du très honorable clan Ii pour recevoir l’autorisation de se faire dignement seppuku et mettre ainsi fin à ses jours. Mais le maître des lieux tente de l’en dissuader en lui racontant l’histoire d’un jeune homme forcé de s’ouvrir le ventre avec un sabre de bambou. Le vieil homme raconte alors les vrais raisons de sa venue…
Le film : « Après tout, cette chose que vous appelez « Honneur du Samouraï » n’est finalement rien d’autre qu’une façade! » – Harakiri est sans doute le film le plus emblématique et le plus réussi de ces films contestataires qui n’hésitaient pas à écorner l’image du samouraï pour parler des problèmes d’actualité (détresse, hypocrisie, pouvoir en place, révolte, violence – surtout sociale -, etc…). De ce fait, c’est un film à voir pour tout meneur afin de montrer le côté « obscur » des clans de samouraïs et de leurs valeurs, avec un côté réaliste. De plus, il s’agit d’une vraie mine pour placer vos joueurs face à des dilemmes ou des symboles forts.
Rebellion – Masaki KOBAYASHI – 1967
L’histoire : En 1725, Sasahara Isaburo aspire enfin à trouver un peu de quiétude. Mais son seigneur répudie alors une des concubines, Ichi, qui lui a déjà donné un enfant et force le fils du sabreur à l’épouser, malgré l’avis d’Isaburo. Contre toute attente, le mariage de raison se transforme en réelle idylle et se concrétise rapidement par la naissance d’une petite fille. Pourtant, au bout de deux ans, le premier fils du seigneur meurt et c’est celui d’Ichi qui devient donc l’héritier du domaine. Le seigneur demande alors à ce que cette dernière divorce et lui soit rendue. Devant le refus des Sasahara, il leur ordonne alors de se suicider.
C’est là que la rébellion commence…
Le film : Ce film, comme son prédécesseur est idéal pour balayer bon nombre de clichés sur le prétendu côté « servile » et « quasi-fasciste » des samouraïs. Ici, Toshiro Mifune campe un personnage dont les valeurs traditionnelles vont voler en éclat et qui va se révéler à lui même justement dans la révolte et la découverte de ce qui compte vraiment pour lui. Outre le fait que ce genre de pnj soit toujours intéressant à intégrer dans un scénario, ces éléments (valeurs et révolte) font justement partie du cœur de la création de personnage dans Tenga et Isaburo est un exemple tout trouvé pour illustrer la plupart des règles de création du jeu.
Goyokin : l’or du shogun – Hideo GOSHA – 1969
L’histoire : Vers 1830. Un rônin du nom de Wakizaka Magobei vit d’expédients et se sert de ses compétences martiales pour se produire en spectacle. Autrefois notable de son clan, il a quitté ce dernier car il ne supportait plus d’avoir participé au massacre de tout un village pour voler une cargaison d’or. Comprenant que ses anciens compagnons s’apprêtent à recommencer, il décide de reprendre la route pour les en empêcher, espérant ainsi soulager sa conscience.
Le film : Il ne se passerait pas au Japon, on croirait à un western crépusculaire dans la neige : des samouraïs qui ne combattent plus que pour apaiser leur démons ou par appât du gain, un sous texte social, des roues boueuses, la mort d’une certaine vision du monde, de la justice et de la chevalerie… Si on rajoute à ça des combats spectaculaires et un scénario particulièrement bien ficelé et inspirant, Goyokin fait également partie des films à voir absolument.
Hitokiri : le châtiment – Hideo GOSHA – 1969
L’histoire : A la fin du shogunat Tokugawa, Okada Izo, un rustre bête et vulgaire mais doté d’une grande force est recruté par Hampeita Takechi, un des grands vassaux du fief Tosa. Se croyant devenu un membre de l’élite, Izo se voit chargé de commettre les assassinats politiques décidés par Takechi. Aussi brutal que naïf, il s’abandonne totalement à cette nouvelle carrière et devient une véritable marionnette entre les mains de son maître.
Le film : De mon point de vue, ce film n’est pas particulièrement intéressant pour un meneur de par l’époque qu’il traite ou par son scénario (qui demande d’ailleurs des connaissances historiques assez poussées pour en comprendre toutes les subtilités). Comme d’habitude, il est doté de personnages aussi intéressants qu’humain et qui changent des images d’Épinal ; le samouraï y est veule, avide et vulgaire. Mais s’il figure dans cette liste, c’est surtout parce qu’il est sans doute le meilleur film de sabre japonais et qu’à ce titre, il serait bien dommage qu’il n’y figure pas. De façon un peu plus « anecdotique », la présence de Mishima et sa scène de suicide ne font que renforcer l’intérêt de ce film.
La grande fresque historique et les inclassables
Kagemusha – Akira KUROSAWA – 1980
L’histoire : 1572. Lors de sa course vers la capitale, Takeda Shingen, un des plus grands daimyos de l’époque et des prétendants les plus sérieux à la suprématie, est mortellement touché. Plutôt que de désorganiser son clan et de laisser ses rivaux l’emporter, il ordonne que l’on dissimule sa mort à tous pendant trois ans. Ses plus fidèles serviteurs choisissent alors de se servir d’un sosie, un simple voleur sauvé de la crucifixion, pour prendre sa place et garder le secret.
Le film : Tout comme Ran (sans doute moins bon), ce film a le double avantage de correspondre aux années précédent directement l’époque de Tenga – et donc de présenter un certain nombre de personnages emblématique de la période-, mais aussi et surtout d’être une grande fresque historique et épique qui ne peut qu’inspirer tout les meneurs. Si la mort de Takeda Shingen telle qu’elle est décrite n’est pas historique, de nombreux autres éléments le sont, comme la très emblématique bataille de Nagashino.
La guerre des espions – Masahiro SHINODA – 1965
L’histoire : 1614. Depuis la bataille de Sekigahara, une sorte de statu quo s’est instauré entre les deux principales factions belligérantes et une nouvelle confrontation semble tôt ou tard inévitable. Chacun lutte en coulisse pour se préparer pour cet affrontement, regroupant alliés, ressources et autres assassins. Seul le clan Sanada ne semble pas encore avoir pris parti et retarde le plus possible sa décision. Un de ses shinobi, Sarutobi Satsuke, se retrouve pris malgré lui dans une affaire mêlant meurtres et espions des deux camps. Mais rapidement, il devient difficile de savoir qui travaille pour qui…
Le film : Celui-ci n’est pas sans défauts, mais il reste une de mes inspirations favorites car il adapte à une période correspondant presque à celle de Tenga tous les codes du film d’espion type guerre froide. Réalisé par un amateur reconnu des romans noirs, il est donc à plus d’un titre un exemple de « croisement » réussi entre le film d’époque et un autre genre cinématographique. Au final, tout ceci donne donc un scénario original et soutenu adaptable presque tel quel pour une partie.
Après la pluie – Takashi KOIZUMI – 1999
L’histoire : Vers 1710. Le rônin Misawa Ihei et sa femme se retrouvent coincés par les intempéries et se voient contraints de faire halte dans une modeste auberge. La plupart des clients y sont de pauvres hères sans le sou, eux aussi pris au piège. Ihei décide alors d’offrir un banquet à tout le monde, mais, ne pouvant le payer et en cachette de sa femme, il doit se résoudre à défier d’autres sabreurs pour de l’argent.
Une fois les intempéries passées, il réussit à trouver une place de maître d’armes auprès du seigneur Shigeaki mais celle-ci suscite bien des jalousies et des frictions.
Le film : Après la pluie est un film réaliste et d’une certaine façon apaisé qui prend le contre-pied de bien des films d’époque ou de sabre. Il est utile au meneur pour son côté réaliste donc et, entre autres, la façon dont est dépeinte l’auberge et ses habitants, les jeux auxquels ils se livrent mais aussi le clan Shigeaki etc… Son ton plus optimiste est loin du cynisme mordant des films de Gosha ou Kobayashi (et donc sans doute partiellement aussi de Tenga), mais il reste à voir. D’autant plus qu’il est vraiment facile désormais de le trouver pour une bouchée de pain.
Le dixième film
Il y aurait du y avoir un dixième film cité dans cette liste. Et cela aurait sans doute été «Les treize tueurs » ou « Le grand attentat » d’Eichii Kudo, ou ceux de cette dernière décennie (Le samouraï du crépuscule, La servante et le samouraï, etc.). Mais il existe tellement de films, de séries ou même d’animés sur le sujet que cela ne sert plus à grand chose d’en rajouter. D’autant plus qu’en élargissant un peu le spectre au chambara d’exploitation, de nombreux noms de films classiques viennent directement en tête (Baby cart, Zatoichi, Lady Snowblood, etc.) même si pour le coup, on commence à sérieusement s’éloigner du ton de Tenga.
Donc si je devais conseiller un dixième film, ce serait tout simplement de prendre votre film préféré, quelque soit le genre, et de l’adapter à Tenga. La guerre des espions (citée plus haut) est un exemple de ce qu’on peut faire, mais il en existe bien d’autres, un peu à l’image des adaptations que Kurosawa faisait des pièces de Shakespeare ou de Dostoïevski et dont les propres films étaient ensuite réadaptés.